LIGER club de ROANNE, Loire

La LÉGENDE de l'OURGON

 

Ajoutée le

11 octobre 2017

 

 

 

En ce temps-là, Benoît était pêcheur comme d’autres sont laboureurs et d’autres charbonniers dans les bois de La Madeleine… C’était un garçon tout simple qui avait reçu en héritage une pauvre maison faite non en pierres, mais en terre battue. De son jardin, si bien placé sur la brusque pente d’une colline, le Benoît regardait la Loire. Il n’aimait pas le ciel trop lavé qui annonce le beau temps : il attendait avec impatience le vent d’automne qui fait craquer les portes et bruire les arbres de toutes leurs feuilles, car c’est lui seul qui apporte ces pluies qui grossissent le fleuve.

 



C’est alors seulement que les longues et légères rambertes construites en bois de pin peuvent enfin glisser avec leur chargement de charbon de Saint-Rambert à Roanne. Il savait que le courant était si fort, les tourbillons si dangereux, que nombre de mariniers, ne pouvant éviter tel ou tel rocher, y laissaient leur vie. Il savait aussi qu’une fois à Roanne, les rambertes ne pouvaient remonter le cours du fleuve et terminaient en bois de chauffe ou de construction. Par un soir d’automne triste et doux, de fortes pluies s’abattirent sur la région. Benoît mit sa blouse bleue, sa longue ceinture de flanelle rouge, son chapeau de feutre noir à longs poils et prit des longues bottes en cuir souple. Un morceau de pain de seigle et quelques noix dans sa vieille musette, il s’en allait tout lanli-lanla par ce chemin de halage qui conduit à Saint-Rambert. Depuis quinze ans déjà il faisait cette route, il en connaissait tous les détours. Et pendant des jours et des jours, Benoît mena courageusement sa ramberte sur les eaux bouillonnantes, en évitant les gros rochers qui tiennent trop de place dans le lit de la Loire. Il arriva enfin à Roanne.
A cette heure incertaine où la nuit est en route, il prit de suite le chemin de halage. Il sentit tout d’abord un frôlement, puis il entendit un léger bruit de pas. Il ouvrit les yeux, et pour mieux dire, il les écarquilla et aperçut un homme qui marchait à ses côtés.
La nuit tombe vite, en septembre… Vous habitez sans doute dans les parages, lui demanda l’homme.
Ma demeure est encore loin d’ici, répondit Benoît, je dois traverser la Loire à gué pour arriver à mon logis.
Pendant qu’ils marchaient, la colline s’était ouverte comme par enchantement.
Me voilà chez moi, dit l’homme. Voulez-vous entrer ? Holà ! Que l’on apporte à boire sans tarder !
Des Ondines qui avaient de jolis bonnets de velours sur leurs cheveux blonds comme le miel déposèrent alors sur une table de marbre des bouteilles et des gobelets ciselés.
A notre bonne santé ! dit l’homme en vidant d’un trait son gobelet.
Le vin donnait peu à peu aise et contentements à Benoît.
Voulez-vous que l’on accommode à votre intention un saumon de la Loire ?
En vérité, répondit Benoît je n’ai jamais de ma vie mangé un gros poisson. Si par hasard il m’était arrivé de prendre dans mes filets un saumon, je l’aurais aussitôt vendu à Roanne pour avoir quelques pièces de monnaie.
Holà ! Que chacun fasse avec diligence son travail ! Que le feu ronfle et que la table soit dressée sans retard ! Il est temps de nous mettre à table !
Le pêcheur de la Loire mangeait lentement tout en réfléchissant, sans regarder autour de lui. Au moment où l’on apportait un énorme saumon entourés de persil et de petites feuilles vertes, il leva les yeux. Ce qu’il vit alors, de la tête aux pieds, lui donna le frisson.
En face de lui, ne se tenait plus un bel homme aimable et richement habillé… mais un corps énorme, des mains aux ongles griffus et un visage… à vous glacer le sang. Des dents longues, des lèvres épaisses et des cheveux en désordre pareils à une crinière de bête sauvage.
Benoît se leva et essaya de fuir.
Ah ! Ah ! s’écria l’ogre, rouge de colère. Tu crois ainsi te dérober. Mais tu sauras que jamais personne ne m’a échappé, car je suis l’Ourgon, qui, depuis des siècles, se régale des mariniers de la Loire.
En entendant ces paroles, Benoît, glacé d’épouvante, se sentit défaillir et tomba lourdement sur le sol. L’ogre s’écria d’une voix forte et méchante :Toi comme les autres, tu ne reverras jamais ta ramberte, tes filets et cette Loire que tu aimais tant !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Texte réécrit par Christian Bizieau à partir du texte de J. Combes édité par les Editions Dumas en 1962 : Le Pays roannais, histoire, contes et légendes.

 

Revue en ligne Créations
Sur les traces des mariniers de la Loire
CE2- Ecole du Mayollet à Roanne (Loire) – Enseignant : Christian Bizieau
 déjà publié dans la Revue CréAtions, n° 91 - Lieux culturels, Visites actives - en mars-avril 2000 (Editions PEMF)


 


 

 

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Recherches « Ravin d’Orgon–Loire

– Novembre 1910 » par Jeanne PEGON

(élève d’Emile NOIROT)

 


 



11/10/2017
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