LIGER club de ROANNE, Loire

Histoire des étangs du Forez

FRAGILE ÉQUILIBRE

 



Comme pour les autres régions piscicoles françaises, l’origine des étangs du Forez remonte au XIIIème siècle. Le savoir y compris technique, était à cette époque détenu par les grands ordres religieux. Les moines, comme ils le firent pour la vigne, impulsèrent la création des étangs et l’élevage du poisson qui permettait d’égayer les interminables jours de jeûne et carême de ce temps (plus de 100 jours par an).

 

 

Pour autant, tous les étangs du Forez n’ont pas huit cent ans d’existence. En fait, leur construction fut permanente jusqu’en 1880, où l’on en  recense plus de 600, représentant 3 500 ha, alors que de nos jours ne subsistent que 1 500 ha, et moins de 300 pièces.

 

Tous les étangs n’appartenaient pas au Comte du Forez comme on le croit souvent, puisque l’inventaire des étangs placés sous la gestion de son Grand Maître n’en comporte qu’une vingtaine.D’autres seigneurs de moindre importance et quelques bourgeois, possèdent des étangs et commercent entre eux, notamment pour les empoissonnages.

L’auto-consommation est alors considérable : c’est la moitié des pêches du domaine comtal qui est envoyée aux viviers de « Madame », et la totalité des brochets (becques), d’ailleurs peu nombreux à l’époque. Le poisson est très prisé et constitue un véritable luxe. Son prix est très élevé : le prix d’un kilo de carpe jusqu’au XVème siècle, correspond à celui d’une journée de manœuvre. D’ailleurs, le prix du poisson d’eau douce resta élevé jusqu’à la fin du XIXème. En 1930, Monsieur de Neufbourg se désespère de constater qu’à Beauvoir, son aïeul tirait un « excellent revenu d’un détestable poisson », alors qu’il rentabilisait avec difficulté le produit de ses incomparables carpes sélectionnées.

Depuis le XIIIème  siècle jusqu’à la rénovation entreprise par Monsieur de Neufbourg, les espèces produites étaient constituées de carpes communes, de brêmes et quelque tanches, perches, brochets et anguilles. Le gardon est produit en très petites quantité, sans doute résiste-t-il mal au long et difficultueux charrois en chars massots.


Marguerite Gonon relève au XVème  la présence de mystérieux et rarissimes « carrelets ». Je pense qu’il s’agit de carrelets d’eau douce que l’on trouve encore dans le nord de l’Italie.

 

 
Pêche d'étang

La pisciculture d’étangs est une activité traditionnelle pratiquée depuis le Moyen-âge

 

 

Très clairement, du XIIIème au début du vingtième siècle, la finalité des étangs est toute entière contenue dans l’exploitation piscicole. La chasse à tir de la faune aquatique a certes commencé bien avant avec l’apparition des fusils de chasse, mais elle restait élitiste et marginale. D’ailleurs, la gestion des étangs ne s’en souciait guère : les digues étaient systématiquement débarrassées de tous arbres. A ce sujet, il est très intéressant d’observer les premières cartes postales que Monsieur de Neufbourg fit tirer de ces étangs dans les années 1920 pour la commodité de ses correspondances. Le paysage est méconnaissable. Les joncs étaient régulièrement fauchés puis faucardés en bateau pour servir de litière au bétail et surtout afin de lutter contre le naturel phénomène d’atterrissement des étangs dans leur platière. La végétation était sensiblement différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. La présence des joncs à massettes (thypha latifolix) était prédominante voire envahissante. Les roseaux (phragmites) étaient moins répandus. Les eaux étant beaucoup plus acides, favorisaient diverses espèces végétales en forte régression, telle que la prêle, le nénuphar jaune, et différentes espèces de potamots.

Le véritable changement de milieu aquatique commença au début du XXème siècle pour les fins d’améliorations piscicoles, par l’apport raisonné de chaux et de scories thomas, sous l’impulsion de Monsieur de Neufbourg qui venait par ailleurs de révolutionner la pisciculture française en créant la « carpe royale » et en réussissant le croisement de deux souches ; la franc-comtoise de Monsieur Meugnot et celle d’Indre-et-Loire de Monsieur Hirsch. Leur produit présenté à Paris, lors de l’exposition de 1928, était d’une morphologie et d’une croissance incomparable qui allait s’imposer dans toutes les exploitations piscicoles. La production des étangs qui stagnait a quelques 150 kg / hectare passait a près de 400 kg/ha. A cette même période, l’agriculture évoluait également, l’emploi de l’engrais se développait, les effluents des villes et villages croissaient inévitablement. Les étangs rentraient dans une période d’eutrophisation qui à son début accru encore la production piscicole. La végétation aquatique évoluait à nouveau : apparition de macrophytes souvent envahissants (elodea canadensis, ceratophyllum, demersum, etc…) qui ne manquent pas de provoquer des modifications de la faune : très grand développement du milouin, presque inconnu au début du siècle passé, puis apparition du canard morillon qui devient nicheur en Forez.

Dans les années 1980, le phénomène d’eutrophisation s’accroît encore et les étangs connaissent alors la difficile problématique d’un milieu devenu trop riche en nutriments, envahis dès le réchauffement des eaux par les algues bleues (cyanobactéries) pouvant provoquer une complète désoxygénation ayant pour conséquence la mortalité du cheptel piscicole, voire des anatides car certaines algues bleues telles que mycrosistis sont toxiques. Nous avons recherché des solutions pour contrôler les dangers de cette eutrophisation. Différentes réponses techniques sont aujourd’hui disponibles, mais nous sommes obligés de considérer l'eutrophisation comme la fâcheuse conséquence du développement humain. Nous ne pouvons prétendre en avoir seuls la pratique et le refuser aux autres « usagers ». En la matière,   on relève une prise de conscience : le phénomène d’eutrophisation peut être encore jugulé. En va-t-il de même du sectarisme qui est en train de ruiner nos étangs et qui inexorablement les fera disparaître ?

 

 


Grands cormorans

 

Le véritable péril est bien en effet l’élevage sur terrain d’autrui que le lobby écologiste a réussi à installer sur nos étangs en protégeant sans discernement les oiseaux piscivores, au premier rang desquels se trouve le grand cormoran. La dynamique de leur population, le niveau des effectifs hivernants rend toute production piscicole déficitaire, sinon désespérante. Il n’est pas de plus aberrant paradoxe écologique, puisque des « espèces patrimoniales » telle que l’ombre commun risque de disparaître. Le Forez a le triste privilège de connaître le taux de plus forte prédation (rapport : nombre de cormorans présents, nombre d’ha d’étangs). La justice française en dernier ressort a pourtant récemment tranché mais rien n’évolue et à la veille de l’arrivée des grand prédateurs piscicoles, comment pouvons-nous nous résigner à leur abandonner une nouvelle fois notre récolte.

Certes, y a-t-il eu des heures sombres durant les huit siècles d’histoire de nos étangs, notamment les arrêtés d’assèchement de 1881-1882, mais en eut-il de pire que celles que nous connaissons présentement de par la seule sottise des hommes ?



Michel Montserret.

Pdt Syndicat des Etangs du Forez

www.adapra.org/Adherents/Syndicat-des-Etangs-du-Forez.html

 

 





17/02/2012
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